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23 décembre 2008 2 23 /12 /décembre /2008 00:00

Au bar des Entremondes, repaire des âmes acharnées, un zombie et un banshee étalaient leurs misères sur le bord du comptoir.

- Tu as une sale goule, dit le banshee. Qu’est-ce qui t’arrive ?

- C’est cette azote qu’ils mettent en terre, ça me tue les vers. Alors ça me ballonne, forcément.

- Ah.

- Et toi, quoi de neuf ?

- Bah, ils m’ont délocalisé. Il paraît que le prix de revient du hurlement était trop cher. Ils m’ont remplacé par des voix enregistrées.

- Dur. Et alors, qu’est-ce que tu fais ?

- Les annonces dans un supermarché.

- Dur.

- M’en parlez pas, dit un croquemitaine qui traînait dans leur dos. Avec la baisse de la natalité, je ne travaille plus que deux nuits par semaine. Et avec leurs jeux vidéos, pour effrayer les enfants, ça devient de plus en plus compliqué. Il faut sortir le grand jeu !

- Et ?

- Et je n’aime pas montrer mes tripes à n’importe qui. Je suis pudique moi. Du coup, je n’ai plus que les moins de trois ans à me mettre sous la dent.

- C’est vraiment la crise, renchérit le banshee. Et vous, Monsieur le Comte, comment vous vous en sortez ?

- Comme on dit dans le tourisme, c’est la saison morte, répondit une voix pendant d’une poutre au plafond. Et puis le métier n’est plus ce qu’il était. Avec les sorties en boîtes, je suis obligé de travailler en horaires décalés, c’est très mauvais pour mon teint.

- Effectivement, vous avez l’air bien bronzé, Monsieur le Comte, pouffa le zombie.

- C’est malin. Il n’empêche que les temps ont bien changé. Vous verriez ce que portent les vierges aujourd’hui, de quoi faire blêmir un mort.

- Tant que ça ?

- Vous pouvez me croire sur parole.

- Mince.
 

Un farfadet passa. Le nez dans leurs verres, les âmes perdues ruminaient leurs humeurs noires.
 

- Vous saviez que la Confédération Générale des Trépassés prévoyait une grande manifestation? Relança le banshee.

- Non, c’est quand?

- A la Toussaint.

- On aurait du y penser. Et il y aura un défilé, je suppose?

- Oui, une retraite aux flambeaux.

- Comme d’habitude quoi. Enfin, je ne veux pas dire du mal des syndicats. T’es syndiqué toi ?

- Non. Et toi ?

- Non. Et vous Monsieur le Comte ?

- J’ai eu un représentant syndical une fois. Il manquait de goût, le pauvre.

- Vous voulez dire que…?

- Qu’il avait une garde-robe du plus mauvais effet, je le crains.

- Et qu’est-ce qu’il est devenu ?

- Oh, je l’ai envoyé dans les catacombes contrôler les permis de travail des squelettes sans papiers. Je ne l’ai jamais revu.

- C’est un peu rude tout de même.

- C’est lui qui voulait défendre les os primés, non ?

- Très drôle, Monsieur le Comte. Je vois que vous gardez le sourire malgré la crise.

- Dans mon métier, c’est important.

- Au fait, quelqu’un sait ce qu’est devenu le Grand Patron ? Dit le zombie en pointant un doigt vers le sol. Il paraît que sa démission a fait un tollé d’enfer en Haut Lieu.

- Tu m’étonnes, partir avec un parachute damné alors que tout le monde se serre les côtes… Il y a vraiment de quoi se faire gentil, je vous jure.

- Enfin, c’est pas ça qui va faire bouillir la marmite. Il faut que je passe au Pôle Effroi. Ils paraît qu’ils embauchent pour le train fantôme.

- Bon courage, on croise les doigts. Et passe le bonjour à Baba.

- Je n’y manquerai pas.
 

Traînant la patte et l’air austère, le zombie sortit dans la nuit. Au bar des Entremondes, chacun reprit les méandres de ses pensées glauques, tandis qu’en Haut Lieu on s’esclaffait.
  
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